IVRAF FO 171: Excision ou initiation des filles à Sipo

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Références du dossier documentaire

Numéro du dossier

IVRAF_FO_0171

Date d'enquête

06/01/2014

Nom et prénom de l'enquêteur

WADE Mame Coumba

Désignation

Dénomination(s) actuelle(s)

Rite d’initiation

Appellations successives

Gnakaa Boyo, Excision, Initiation, Mutilation génitale

Type de patrimoine

Patrimoine immatériel

Thématique

Localisation

Communauté Rurale

Toubacouta

Village

Sipo

Adresse

Tann de Karamba Wuluban

Références cadastrales (le cas échéant)

Section :.......... N° parcelle(s) :..........

Géolocalisation

Latitude:

Longitude:

Historique et description

Acteur(s)

Ancêtres Mandingues

Date/période de réalisation

Indéterminée

Historique

Pratiqués par plusieurs communautés d’Afrique noire, les rites d’initiation des filles appelés cérémonies d’excision seraient originaires d’Egypte il y’a près de 3000 ans.

Cette pratique, adoptée au Sénégal par plusieurs groupes ethniques (Mandingues, Diolas et Peulh) de religions différentes (islam, christianisme, animiste), était considérée comme un devoir traditionnel purificateur. Cet état de pureté était donc l’aboutissement du modelage identitaire et culturel. L’excision s’inscrit, dès lors, dans un cadre d’obligation à la fidélité des femmes et revêt plusieurs formes selon l’appartenance territoriale ou ethnique de la fille.

Dans tout les cas, l’excision était le plus souvent une des conditions au mariage parce qu’une fille non excisée était considérée comme souillée ou voire insociable. La peur de la marginalisation sociale et le besoin d’appartenance à une génération poussaient certaines filles à réclamer elle-même l’excision qui se tenait le plus souvent dans des zones à fort taux d’émigration d’hommes. En effet, dans le village de Sipo (îles du Saloum), majoritairement peuplé de Mandingue, ces cérémonies étaient assimilées à un véritable test d’endurance ou de passage de l’enfance à l’âge adulte. Elles étaient également considérées comme une école de filles consistant à soumettre ces dernières à l’épreuve de la douleur et de la souffrance par une mutilation clitoridienne.

Pour ces villageois, originaires du Mali où 90% des femmes sont excisées, l’excision était considérée comme une richesse culturelle à préserver. Fidèle à la tradition léguée par leurs grands parents, les cérémonies d’excision symbolisaient également l’identité de la femme Mandingue ou Diola pour cette petite communauté des îles du Saloum.

Toutefois, cette pratique avait pour vocation d’inculquer aux jeunes filles les valeurs de respect envers les ainés, d’honneur, de dignité humaine et de respect des rouages de la société. Futures épouses et mères, les notions préservation de la virginité, de contrôle de la sexualité, d’initiation à la santé de reproduction…était également inculquées aux jeunes filles du village de Sipo.

L’organisation de ces cérémonies s’accompagnait de tout un cérémonial, de rites, de chants, de danse et toute la population y prenait part avec fierté.

Ces cérémonies visant à rendre la fille beaucoup plus féminine ne sont plus célébrées depuis la pénalisation de l’excision par le gouvernement du Sénégal en 1999. Date à partir de laquelle, l’ancien président Abdou Diouf avait fait un appel solennel en faveur de l'arrêt de ces pratiques. La loi modifie le code pénal en faisant des mutilations génitales féminines (MGF) des actes criminels, réprimés par une sentence pouvant aller de un à cinq ans d'emprisonnement.

Description

Au Sénégal comme dans la sous région Ouest Africaine l’excision revêt plusieurs formes selon l’appartenance territoriale ou ethnique de la fille. Par conséquent, on distingue :

-L’excision a minima ou « circoncision sunna » qui répond à un souci de pureté,

-L’excision complète avec ablation du clitoris dont le but est de réduire la sensualité sexuelle de la femme.

-Infibulation ou « circoncision pharaonique » visent à contrôler totalement le domaine sexuel et génétique de la femme.

En effet, dans le village de Sipo, la cérémonie d’excision avait lieu tous les dix ans. Elle s’organisait pendant la saison sèche avec comme cible les filles âgées de sept ans et plus. Ainsi sous la direction de la reine de Sipo, les rituels relatifs à la cérémonie d’excision s’opéraient en plusieurs phases :

La phase de diagnostique : durant cette période, la reine de sipo réunissait toutes les femmes du village et leur demandait de signaler toutes filles en âge d’être excisées dans leurs familles. Ensuite, la reine faisait le total et en compagnie des femmes du village, elles allaient chez le Fangol Karamba Wulumban (génie religieux) pour lui soumettre leur souhait d’organiser l’excision. Sur place, elles font des libations qui consistent à verser tout au tour du baobab, du lait caillé ou autres offrandes en chantant et en tapant sur des calebasses. Cette chanson particulière « Bamba wo kana faname fayé nibella yokou youyo kaname ma » (Caïman ô caïman s’il sheytan qui veut nous attaquer interpose toi pour nous protéger) implore le crocodile des lieux de protéger les candidates à l’excision contre les esprits maléfiques lors de la cérémonie d’excision. Si le Fangol accepte leurs prières, le crocodile se manifeste en sortant de sa cachette. Mais si le déroulement de l’excision s’avère menacé, le crocodile s’abstient de sortir et la nuit il se manifestera en rêve à l’une d’elles pour lui confirmer son désapprobation. De ce fait, les femmes font des prières durant un certain moment avant de retourner chez le Fangol.Si le crocodile se manifeste, les femmes se regroupe dans le village et fixe la date de la cérémonie d’excision qui doit démarrer soit un lundi soit un jeudi.

– La phase préparatoire : Cette phase s’étend sur plusieurs jours. Durant cette période, les hommes ont la charge de mettre en place un abri provisoire de paille et de bois fait où les futures excisées devront passer trois mois. Le jour du départ des filles vers la forêt, aucun homme n’a p le droit de mettre les pieds sur les lieux. Pour ce qui est du rôle des mères, elles commandent pour leur (s) fille(s) deux à trois pagnes chez le tisserand. Un de ces pagnes tissés traditionnels servira de boubou et devra être cousu uniquement à la main. Le deuxième pagne devra être attaché autour des reins et le troisième servira de voile. Le jour de leur départ, chacune d’elle est accompagnée par un membre de sa famille.

- le séjour des excisées : Cette phase appelée Gnakaa Boyo ou excision des filles, se caractérise par une retraite des femmes dans le bois sacré. Une escale est d’abord faite au tann (étendue de terre salée) de Karamba Wulumban où les filles sont soumises à un bain purificateur. Ensuite, sous la direction du Ngansing mba (sage et maitresse de l’initiation) secondée par ses Ngansing Diobo (adjointes), les filles sont excisées une par une grâce à un instrument traditionnel (couteau ou lame) et les soins sont assurées selon les exigences de la médecine traditionnelle.

Après ce passage au tann de Karamba Wulumban , les nouvelles excisées appelées Ngansing Ndingo devront rejoindre l’abri provisoire, dans la forêt, où elles devront passer trois (3) mois. Les parents fournissaient la nourriture pendant tout leur séjour.

Durant cette période, les filles reçoivent des soins traditionnels pour lutter contre les infections et favoriser la cicatrisation de la plaie engendrée par l’excision. En outre, la Ngansing mba et les Ngansing Diobo apprenaient aux jeunes initiées les règles régissant leur statut de femme, les bonnes manières, la dignité, la gentillesse, l’honneur, les règles pour faire face aux contraintes de diverses natures et la conduite qu’elles devraient avoir dans la société. Avant la fin de l’initiation, les filles se rendront compte que le trésor de toute femme se trouve entre ses jambes. Par conséquent, elles apprendront les rudiments de l’hygiène intime et des notions de sexualité. En effet, cette question est d’une grande importance pour les initiatrices : de leur hygiène intime dépendra, en partie, leur fécondité et, in fine, la réussite de leur couple.

Au bout des trois mois, une des Ngansing diobo quitte l’abri pour informer les sages du village du retour imminent des filles qui devra coïncider soit avec le premier lundi soit avec le premier jeudi à l’issue des trois mois.

Le dernier jour, les filles reçoivent un ultime bain devant l’abri avant de prendre le chemin du retour au village.

Pour marquer l’avènement de leur nouveau statut, les jeunes filles excisées troquent leurs vêtements d’initié contre des habits neufs avec leurs cousines.

-Le retour des filles au village: La cérémonie de retour au village de sipo est une véritable fête à l’occasion de laquelle toutes les familles participent en nature ou en argent. Divers sacrifices, incantations, chants et danses, claquements étaient effectués.

Après le repas, les Ngansing Diobo accompagnent les filles au niveau de chaque concession où elles devront saluer en s’agenouillant devant chaque personne. Cette dernière, à son tour, devra leur offrir quelque chose en contrepartie (argent ou biscuit par exemple).

Après les salutations, toutes les filles se retrouvent à la place publique du village où elles recevront les dernières prières et bénédictions de la part des sages du village avant de rejoindre leurs domiciles respectifs.

En définitive, dans le village de sipo l’initiation ne se raconte pas, elle se vit et les initiées sont tenues de garder le secret toute leur vie.

Lieux associés (autour de la même thématique)

Mali, Gambie, Casamance : Localités à forte concentration de Mandings et Diolas où l’excision est encore pratiquée.

Culture(s) orale(s) en lien avec l'ensemble patrimonial

Légende(s) et/ou mythe(s) associé(s)

Mythe du kankourang (masque mythique): lors des cérémonies d’excisions, pour faire appel au « Faabondi », le Kankourang le plus méchant, on doit déposer à la croisée de chemins, sept (7) piments, sept (7) charbons et une petite branche d’arbre. Insa Touré

Légende de Karamba Wulumban : « un habitant du village de Sipo avait ramassé une feuille d’arbre sous le baobab sacré de Karamba Wulumban et la nuit il vit en rêve un djinn qui lui ordonnait de ne plus remettre les pieds sur les lieux ». Fatou Mané

Anecdote(s), discours, impression(s)sur l'ensemble patrimonial

Anecdote de l’initiation de la reine: « lors de mon séjour en brousse pour les besoins de l’excision, ma maman était tellement contente qu’elle a sacrifiée deux chèvres à mon honneur ». Fatou mané

Anecdote des repas de cérémonies : «lors des cérémonies d’excision, tous les plats sont à base de viande ; c’est à cause de cela que j’ai perdu mes dents ». Fatou Mané

fonction(s)initiale(s)et fonction(s)actuelle(s)de l'ensemble patrimonial

Fonctions initiales : -Passage de la jeunesse à l’âge adulte

-purification traditionnelle des filles

- enseignement de valeurs

-une des conditions au mariage,…

Fonctions actuelles : Depuis 1999 les rites d’excision n’ont plus aucune fonction dans le village de Sipo. Sa pénalisation a fait qu’elles représentent plus que de vieux souvenirs.

Statut et signification actuelle de l'ensemble patrimonial

Statut: patrimoine culturel de la communauté Mandingues et Diola de Sipo

Signification actuelle: Cette tradition culturelle n’est plus qu’un vieux souvenir depuis la pénalisation de l’excision. Mais elle reste un patrimoine culturel dont toute la population se souvient et raconte avec fierté.

Informations complémentaires sur l'ensemble patrimonial

Il ne peut y avoir de texte relatant dans les détails le déroulement de l’initiation chez les filles à cause du caractère hermétique des rites de passage et des cérémonies initiatiques.

Sources

Bibliographie

Tradition orale

DIOP Saliou, Technicien du tourisme, Sipo

MANE Fatou, Reine, Sipo

TOURE Insa, Chef de village, Sipo


Sources écrites

Chérif Alhassane, L'importance de la parole chez les Manding de Guinée: Paroles de vie, paroles de mort et rituels funéraires, Editions L’Harmattan, 1er Janvier 2006, 310 pages

Déotte Martine Lefeuvre, L'excision en procès : un différend culturel ?, Editions L’Harmattan, 1er Novembre 1997, 337 pages

Diédhiou Lamine, Riz, symboles et développement chez les Diolas de Basse-Casamance, Presses Université Laval, 2004, 339 pages Ezémbé Ferdinand, l’enfant africain et ses univers, Editions KARTHALA, 2009, 381 pages

Fatou Sow, La recherche féministe francophone: langue, identités et enjeux, KARTHALA Editions 2009, 680 pages

Ngoyi Albertine Tshibilondi, Enjeux de l'éducation de la femme en Afrique: cas des femmes congolaises du Kasaï, l’harmattan, 2005, 269 pages

Ouedraogo Paul Ténoga Dit Naaba Sigri de Sancé, Problematique actuelle de la pratique de l’excision : quel avantage et quel inconvénient ?, le 04 Octobre 2007, Ouagadougou, 14 pages

Tounkara Dianguina, L'émancipation de la femme malienne: la famille, les normes, l'Etat, éditions l’Harmattan, 2012, 479 pages

Illustrations

Photographies actuelles

Sous plusieurs angles, si justifié

Documents anciens (photographies, peintures, gravures...)

 Préciser le(s) lieu(x) de conservation, y compris dans le cas de collections personnelles

Dessins/croquis