IVRAF FO 156: Kankourang, le masque mythique : Différence entre versions

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IVRF_FO_0156
 
IVRF_FO_0156
  
 
=== Date d'enquête ===
 
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2013
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19/11/2013
  
 
=== Nom et prénom de l'enquêteur ===
 
=== Nom et prénom de l'enquêteur ===
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MBENGUE Bodiel
 
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===Type de patrimoine===
 
===Type de patrimoine===
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Patrimoine immatériel
 
Patrimoine immatériel
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===Thématique===
 
===Thématique===
 
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===Commune===
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Commune de Foundiougne
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Toubacouta
  
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Communauté rurale: Toubacouta
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Toubacouta
 
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Village: Toubakouta
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===Adresse===
 
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===Géolocalisation===
 
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=='''''Historique et description'''''==
 
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===Acteur(s)===
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Ancêtres Mandingues
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===Date/période de réalisation===
 
===Date/période de réalisation===
''Date portée, inscription, tradition orale, autre''
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XXe Siècle
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===Historique===
 
===Historique===
  ''Texte libre. Relever les « Sources » (page 4) à chaque fois que cela est possible (études antérieures, tradition orale, autre)''
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Le rituel du kankourang marque le temps fort de la vie culturelle mandingue. Ce masque aurait été introduit au Sénégal et en Gambie aux environs du XXe siècle.
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Son histoire est étroitement liée à celle des rites d’initiation en pays ''Sosé''. Il est associé le plus souvent à la circoncision, étape essentielle de la constitution de l'identité que tout garçon doit franchir, et qui s'accompagne de cérémonies complexes et variées. A chaque cérémonie de circoncision, il y avait des cas de décès inexpliqués. Alors, les Vieux, symboles de sagesse, se sont réunis pour trouver une explication et le cas échéant, apporter une solution. Chacun apporta son savoir et des prières furent faites.  Mais, les décès persistèrent. Aussi une nouvelle réunion fut-elle tenue, regroupant toutes les sous-ethnies du Gabou. Les socés proposèrent le kankourang, qui est une tradition mandingue.
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A l’invocation des ancêtres mandingues, c’est le ''nganranko'' (le rugisseur) qui a répondu en premier. Le remous qui accompagna cette réponse fut tellement effrayant que les gens, même cachés sous les lits, étaient secoués. De cette agitation est né le fils du ''nganranko'' appelé ''kankourang''. Ce dernier étant moins étrange que le ngaranko, les populations ont cru pouvoir l’apprivoiser davantage ; ils en ont fait leur compagnon et leur protecteur. Jadis, avant chaque apparition, le nganranko se remuait pour annoncer la sortie du kankourang. Personne ne peut voir le nganranko, il n’est pas à la porté de l’humain.
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A chaque sortie du kankourang, toutes personnes aux pouvoirs maléfiques et esprits pernicieux avaient des réactions étranges et pouvaient ainsi être identifiés comme tel. Ils étaient, ensuite, neutralisés par le kankourang. Ce dernier identifie ceux qui troublent l’ordre social et leur inflige une punition.
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A l’occasion de ses sorties, lors de la cérémonie de clôture de la circoncision par exemple, le kankourang est escorté aux rythmes de sérouba, aux pas du ''jambadon'' (danse des feuilles). ¬ L'intervention du masque dans l'initiation des adolescents favorise une inscription sur leurs corps, réel ou symbolique, des codes et valeurs culturelles mandingues.
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Le kankourang se fait plus en Gambie et de moins en moins au Sénégal. A Toubacouta, il donne une dimension impressionnante à la cérémonie. Il agit comme un élément mobilisateur des forces. Le kankourang donnait une bonne leçon de préservation de l'environnement en facilitant la levée des populations lors des travaux publics qui rentraient dans le cadre de la lutte contre les calamités naturelles, la déforestation, l'exploitation anarchique des ressources halieutiques. Il assure la protection des récoltes par ses apparitions et surtout par ses interdits. Il veille, ainsi, à l'harmonie de la communauté et punit ceux qui apportent le désordre et l'insécurité. Il assure la pérennité de l'initiation et garantit la hiérarchie sociale.
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Le kankourang peut apparaître dans d’autres localités qu’à Toubacouta.
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===Description===
 
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  ''Texte libre''
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Il n’est pas donné à toutes les générations d’avoir un kankourang. La transmission du kankourang se fait de génération en génération. L’aspect et la pratique du kankourang sont fonction du lieu où il apparaît. La différence entre le kankourang de Toubacouta et celui de Mbour réside dans l’aspect physique mais pas dans le rituel.
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A chaque sortie, le Kankouran  est guidé par une personne qui a des pouvoirs mystiques, pour le canaliser. Ce guide, est appelé dioboo kéba (grand encadreur ou encadreur en chef). Il peut être juge et organisateur de la cérémonie. Il est secondé par des dioboo (encadreurs assistants). Ces assistants sont des initiés ; ils secondent le guide mais n’interviennent pas à toutes les étapes de la cérémonie parce que cela relève d’un niveau supérieur, celui du guide en chef. Ce dernier prépare sa relève.
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L’aspect physique du kankourang est celle d’une personne déguisée avec des fibres de ''faaraa'' (arbre  aux feuilles rougeâtres). Il est un masque entièrement couvert de fibres traitées à partir des écorces du chigommier ou du semmelier (Fara Jun). Les fibres sont découpées et établies sous forme de pagnes appelés  « Kabantan »  qui sont au nombre de trois (celui des pieds, des bras et du bassin). La tête du porteur est couverte par une sorte de masque heaume appelé  « Kumbiting dan » entièrement composé de fibres. Le corps du masque est solidement attaché par des cordes du «  dajulo » qui forme une multitude de nœuds visibles sur l'ensemble du déguisement. La succession des nœuds entraîne une accumulation des fibres. Le dessèchement progressif des fibres engendre la couleur rouge du masque. Le kankourang est armé de deux machettes de protection et il peut arriver que trois Kankourang apparaissent en même temps.
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A Toubacouta, le kankoukang peut sortir en diverses occasions. Lors des cérémonies de circoncision,  de nettoyage, lors de la visite d’une autorité ou lors de la célébration de la fête de l’indépendance du Sénégal.
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A Toubacouta, lors des cérémonies de circoncision, le Kankuran en plus de la protection des initiés,  accompagnait les parents au rythme de danse du Diambadon du lieu d’initiation jusqu’au village. Lorsqu’il apparait à l’occasion du nettoyage du village, tout le monde est obligé de prendre part aux activités sous peine de sanction. Ceux qui sont valablement empêchés  versent une somme d’argent, des bonbons ou des biscuits en guise de contribution.. Lors de l’accueil d’une autorité ou de la célébration de la fête de l’indépendance, le Kankourang prend une dimension folklorique. Ainsi, aux rythmes du sérouba et du diambadon, il sillonne toutes les artères du village en charriant du monde sur son passage.
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Le point de départ du kankourang est secret et reste un mystère pour tous les habitants du village et à toutes ses sorties, il est accompagné  d’une meute euphorique chantant et dansant le Jambadon au son du sérouba.
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D'un point de vue lucratif, le kankourang n’est pas rémunéré pour ses activités dans le village mais lorsqu'il est déplacé dans les villages environnants, la rémunération fait l’objet de pourparlers.
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===Croquis (le cas échéant)===
 
===Croquis (le cas échéant)===
 
  ''De l’ensemble patrimonial et/ou de sa position dans son environnement''
 
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  ''Valeur patrimoniale :''
 
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===Lieux associés (autour de la même thématique)===
 
===Lieux associés (autour de la même thématique)===
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'''Gaabu''' (Guinée Bissau), '''Wouli''' (Casamance), '''Combo, Niombata''' (Gambie), '''Niombato''' (Toubacouta) : parcours d’origine du  kankourang
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'''Bani, Mbour, Gambie, Guinée, Casamance, Tambacounda''' : endroits où le Kankourang fait son apparition
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=='''''Culture(s) orale(s) en lien avec l'ensemble patrimonial'''''==
 
=='''''Culture(s) orale(s) en lien avec l'ensemble patrimonial'''''==
 
===Légende(s) et/ou mythe(s) associé(s)===
 
===Légende(s) et/ou mythe(s) associé(s)===
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'''Légende du juge''' : Il est déjà arrivé que le kankourang blesse quelqu’un. La personne a porté plainte croyant que le kankourang était une personne. Tous les villageois furent réunis pour recueillir leur témoignage ; ils ont dit que c’est le faara (autre appellation du Kankourang) qui a blessé la victime. Le juge a dit de prouver que le faara (les fibres de la plante du même nom) peut blesser à lui seule une personne à coups de machette. Avant qu’il n’ait terminé, le juge fut pris dans un tourbillon. Il essaya de se réfugier dans sa voiture mais il  avait déjà subi les coups du kankourang. Depuis lors, il ne fait plus l’objet de poursuites judiciaires dans le village. '''(Arfang Moussa Sarr)'''
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'''Légende du ''Fambondi''''' : Pour faire sortir le kankourang, il fallait faire une offrande qu’il fallait déposer à la croisée de chemins. Ce kankourang est appelé fambondi (celui que personne ne guide). Le fambondi fait tout par lui-même, il n’a pas d’égal. La personne qui a imploré le fambondi est le premier à faire les frais de son apparition ; si la personne est un malfaiteur. Ce fambondi tape tout le monde, même les personnes cachées sous leur lit. Il charrie du monde sur son passage. '''(Arfang Moussa Sarr)'''
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===Anecdote(s), discours, impression(s)sur l'ensemble patrimonial===
 
===Anecdote(s), discours, impression(s)sur l'ensemble patrimonial===
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'''Anecdote de Mbour''' : Des échauffourées entre  Selbés et populations ont tourné au vinaigre avec une scène de fusillade qui a fait deux blessés à Mbour.  En effet, les Selbes (accompagnants du Kankourang) avaient demandé à une jeune fille assise devant chez elle de rentrer à l’intérieur au moment où le  kankourang passait. Face au refus de la jeune fille, il s’en suivit une altercation au cours de laquelle un gendarme est intervenu en dégainant son fusil. C’est d’abord un coup en l’air, puis deux autres qui ont atteint deux jeunes Selbés. Une réunion de crise tenue après ces incidents a regroupé les autorités et la collectivité Mandingue. Ce qui a permis de tempérer les ardeurs pour éviter toutes représailles. '''(Arfang Moussa Sarr)'''
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'''Anecdote de Insa''' : « étant moi-même une personne dotée de pouvoirs mystiques pour porter le kankourang, je l’ai une fois défié. Le kankourang m’a, alors, donné un coup de machette au visage, je n’ai eu qu’une dent fêlée. Pour lui montrer l’étendu de mes pouvoirs, je l’ai rendu malade. Il est resté hospitalisé pendant des semaines sans rien diagnostiquer chez lui, alors sa famille est venue s’excuser et intercéder en sa faveur. Je l’ai guéri et depuis, le gars a quitté le village ». '''(Insa Diamé)'''
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On raconte que le masque porte la poisse à celui qui le porte. Le plus souvent, cela se répercute sur la famille du porteur. Ainsi, la fille du responsable actuel a des problèmes de vue ; les parents d’insa Diamé ont perdu plusieurs de leurs frères et sœurs. '''(Insa Diamé)'''
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Il a été sorti, lorsque le village a reçu, pour la première fois, la visite de M. Abdou DIOUF, Président de la République d’alors.
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En '''2002''', kafountine est attaqué par les rebelles casamançais. Ils pillent les maisons et les boutiques. Un peu plus loin dans la forêt, c’est la cérémonie d’initiation gardée par une dizaine de kankourangs. Fusils contre coupe-coupe…Les rebelles les déshabillent et leur font porter le butin…Déshonneur sur tout le village. Aujourd’hui encore, lors des veillées à Kafountine, on parle plus de cette humiliation que des dommages pécuniaires de cette attaque.
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===Utilisation(s) actuelle(s)de l'ensemble patrimonial===
 
===Utilisation(s) actuelle(s)de l'ensemble patrimonial===
  ''Utilisation de l’espace, gestes associés''
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'''Fonction(s) Initiale(s)''' : Protection des initiés
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'''Fonctions actuelles''' : Mobilisation des forces, protection et  folklore
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===Statut et signification actuelle de l'ensemble patrimonial===
 
===Statut et signification actuelle de l'ensemble patrimonial===
  ''Propriété publique, propriété privée, classé monument historique, à classer, représentation (lieu de mémoire ou non)''
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'''Statut''' : Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) de l’UNESCO (3e proclamation du 26 novembre 2005)
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'''Signification actuelle''' : Les masques de Kankourang jouent un rôle essentiel dans le rétablissement de l’ordre social dans les villages mandings. Ils veillent à l’harmonie de la communauté et punissent ceux qui apportent le désordre et l’insécurité. Ils assurent la pérennité de l’initiation et garantissent la hiérarchie sociale. Le kankourang a acquis, en outre, une dimension folklorique.
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Il est qualifié d’expression culturelle originale par l’UNESCO.
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===Informations complémentaires sur l'ensemble patrimonial===
 
===Informations complémentaires sur l'ensemble patrimonial===
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C'est en 1904 que le Kouyan Mansa Baye Mady KOTE (né en 1853 à Mansa Mansidi dans le Kabou, en Guinée - Bissau) a introduit le Kankourang à Mbour.
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=='''''Sources'''''==
 
=='''''Sources'''''==
 
===Bibliographie===
 
===Bibliographie===
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  conservation, n° éventuel, année, pages ... à … Dans le cas d’un témoignage oral : NOM et Prénom de l’auteur, lieu, référence éventuelle à un témoignage enregistré''
 
  conservation, n° éventuel, année, pages ... à … Dans le cas d’un témoignage oral : NOM et Prénom de l’auteur, lieu, référence éventuelle à un témoignage enregistré''
 
===Tradition orale===
 
===Tradition orale===
  ''Indiquer le vecteur de transmission (griot, historien…)''
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SARR Arfang Moussa, Responsable du Kankourang, Toubacouta
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Diamé Insa, artiste-danseur, Toubakouta
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===Sources écrites===
 
===Sources écrites===
''Archives, édition de textes''
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Lilyan Kesteloot, « Les Mandingues de Casamance : Kankourang, castes et kora », in François-George Barbier-Wiesser (dir.), ''Comprendre la Casamance : chronique d'une intégration contrastée'', Karthala, Paris, 1994, p. 97-117
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Geneviève N'Diaye-Corréard, Equipe du projet IFA, Les Mots du patrimoine : le Sénégal, Archives contemporaines, 2006
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Michel LERIS, l'Afrique Noire, la création plastique, 1967
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http://www.memoireonline.com/12/08/1702/m_le-kankourang-masque-dinitiation-des-mandingues-de-la-Senegambie1.html (consulté le 25/11/2013 à 17h40)
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=='''''Illustrations'''''==
 
=='''''Illustrations'''''==
 
===Photographies actuelles===
 
===Photographies actuelles===
 
  ''Sous plusieurs angles, si justifié''
 
  ''Sous plusieurs angles, si justifié''
 
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===Documents anciens (photographies, peintures, gravures...)===
 
===Documents anciens (photographies, peintures, gravures...)===
 
  '' Préciser le(s) lieu(x) de conservation, y compris dans le cas de collections personnelles''
 
  '' Préciser le(s) lieu(x) de conservation, y compris dans le cas de collections personnelles''
 
===Dessins/croquis===
 
===Dessins/croquis===
[[Catégorie:Modèle_dossier]]
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[[Catégorie:Masque]]
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[[Catégorie:Danse folklorique]]

Version actuelle en date du 19 juin 2014 à 18:40

Le masque du Kankourang

Références du dossier documentaire

Numéro du dossier

IVRF_FO_0156

Date d'enquête

19/11/2013

Nom et prénom de l'enquêteur

MBENGUE Bodiel

Désignation

Dénomination(s) actuelle(s)

masque kankourang

Appellations successives

Kankurang (celui qui crie), Fambondi (celui que personne ne guide), Thior Mama (grand thior)

Type de patrimoine

Patrimoine immatériel

Thématique

Localisation

Communauté Rurale

Toubacouta

Village

Toubacouta

Adresse

Références cadastrales (le cas échéant)

Section :.......... N° parcelle(s) :..........

Géolocalisation

Latitude : 13°46’58 Nord

Longitude : 16°28’26 Ouest

Historique et description

Acteur(s)

Ancêtres Mandingues

Date/période de réalisation

XXe Siècle

Historique

Le rituel du kankourang marque le temps fort de la vie culturelle mandingue. Ce masque aurait été introduit au Sénégal et en Gambie aux environs du XXe siècle.

Son histoire est étroitement liée à celle des rites d’initiation en pays Sosé. Il est associé le plus souvent à la circoncision, étape essentielle de la constitution de l'identité que tout garçon doit franchir, et qui s'accompagne de cérémonies complexes et variées. A chaque cérémonie de circoncision, il y avait des cas de décès inexpliqués. Alors, les Vieux, symboles de sagesse, se sont réunis pour trouver une explication et le cas échéant, apporter une solution. Chacun apporta son savoir et des prières furent faites. Mais, les décès persistèrent. Aussi une nouvelle réunion fut-elle tenue, regroupant toutes les sous-ethnies du Gabou. Les socés proposèrent le kankourang, qui est une tradition mandingue.

A l’invocation des ancêtres mandingues, c’est le nganranko (le rugisseur) qui a répondu en premier. Le remous qui accompagna cette réponse fut tellement effrayant que les gens, même cachés sous les lits, étaient secoués. De cette agitation est né le fils du nganranko appelé kankourang. Ce dernier étant moins étrange que le ngaranko, les populations ont cru pouvoir l’apprivoiser davantage ; ils en ont fait leur compagnon et leur protecteur. Jadis, avant chaque apparition, le nganranko se remuait pour annoncer la sortie du kankourang. Personne ne peut voir le nganranko, il n’est pas à la porté de l’humain.

A chaque sortie du kankourang, toutes personnes aux pouvoirs maléfiques et esprits pernicieux avaient des réactions étranges et pouvaient ainsi être identifiés comme tel. Ils étaient, ensuite, neutralisés par le kankourang. Ce dernier identifie ceux qui troublent l’ordre social et leur inflige une punition.

A l’occasion de ses sorties, lors de la cérémonie de clôture de la circoncision par exemple, le kankourang est escorté aux rythmes de sérouba, aux pas du jambadon (danse des feuilles). ¬ L'intervention du masque dans l'initiation des adolescents favorise une inscription sur leurs corps, réel ou symbolique, des codes et valeurs culturelles mandingues.

Le kankourang se fait plus en Gambie et de moins en moins au Sénégal. A Toubacouta, il donne une dimension impressionnante à la cérémonie. Il agit comme un élément mobilisateur des forces. Le kankourang donnait une bonne leçon de préservation de l'environnement en facilitant la levée des populations lors des travaux publics qui rentraient dans le cadre de la lutte contre les calamités naturelles, la déforestation, l'exploitation anarchique des ressources halieutiques. Il assure la protection des récoltes par ses apparitions et surtout par ses interdits. Il veille, ainsi, à l'harmonie de la communauté et punit ceux qui apportent le désordre et l'insécurité. Il assure la pérennité de l'initiation et garantit la hiérarchie sociale. Le kankourang peut apparaître dans d’autres localités qu’à Toubacouta.

Description

Il n’est pas donné à toutes les générations d’avoir un kankourang. La transmission du kankourang se fait de génération en génération. L’aspect et la pratique du kankourang sont fonction du lieu où il apparaît. La différence entre le kankourang de Toubacouta et celui de Mbour réside dans l’aspect physique mais pas dans le rituel.

A chaque sortie, le Kankouran est guidé par une personne qui a des pouvoirs mystiques, pour le canaliser. Ce guide, est appelé dioboo kéba (grand encadreur ou encadreur en chef). Il peut être juge et organisateur de la cérémonie. Il est secondé par des dioboo (encadreurs assistants). Ces assistants sont des initiés ; ils secondent le guide mais n’interviennent pas à toutes les étapes de la cérémonie parce que cela relève d’un niveau supérieur, celui du guide en chef. Ce dernier prépare sa relève.

L’aspect physique du kankourang est celle d’une personne déguisée avec des fibres de faaraa (arbre aux feuilles rougeâtres). Il est un masque entièrement couvert de fibres traitées à partir des écorces du chigommier ou du semmelier (Fara Jun). Les fibres sont découpées et établies sous forme de pagnes appelés « Kabantan » qui sont au nombre de trois (celui des pieds, des bras et du bassin). La tête du porteur est couverte par une sorte de masque heaume appelé « Kumbiting dan » entièrement composé de fibres. Le corps du masque est solidement attaché par des cordes du «  dajulo » qui forme une multitude de nœuds visibles sur l'ensemble du déguisement. La succession des nœuds entraîne une accumulation des fibres. Le dessèchement progressif des fibres engendre la couleur rouge du masque. Le kankourang est armé de deux machettes de protection et il peut arriver que trois Kankourang apparaissent en même temps.

A Toubacouta, le kankoukang peut sortir en diverses occasions. Lors des cérémonies de circoncision, de nettoyage, lors de la visite d’une autorité ou lors de la célébration de la fête de l’indépendance du Sénégal.

A Toubacouta, lors des cérémonies de circoncision, le Kankuran en plus de la protection des initiés, accompagnait les parents au rythme de danse du Diambadon du lieu d’initiation jusqu’au village. Lorsqu’il apparait à l’occasion du nettoyage du village, tout le monde est obligé de prendre part aux activités sous peine de sanction. Ceux qui sont valablement empêchés versent une somme d’argent, des bonbons ou des biscuits en guise de contribution.. Lors de l’accueil d’une autorité ou de la célébration de la fête de l’indépendance, le Kankourang prend une dimension folklorique. Ainsi, aux rythmes du sérouba et du diambadon, il sillonne toutes les artères du village en charriant du monde sur son passage.

Le point de départ du kankourang est secret et reste un mystère pour tous les habitants du village et à toutes ses sorties, il est accompagné d’une meute euphorique chantant et dansant le Jambadon au son du sérouba.

D'un point de vue lucratif, le kankourang n’est pas rémunéré pour ses activités dans le village mais lorsqu'il est déplacé dans les villages environnants, la rémunération fait l’objet de pourparlers.

Croquis (le cas échéant)

De l’ensemble patrimonial et/ou de sa position dans son environnement

État sanitaire

Très bon, bon, passable, mauvais.
Valeur patrimoniale :

Lieux associés (autour de la même thématique)

Gaabu (Guinée Bissau), Wouli (Casamance), Combo, Niombata (Gambie), Niombato (Toubacouta) : parcours d’origine du kankourang

Bani, Mbour, Gambie, Guinée, Casamance, Tambacounda : endroits où le Kankourang fait son apparition

Culture(s) orale(s) en lien avec l'ensemble patrimonial

Légende(s) et/ou mythe(s) associé(s)

Légende du juge : Il est déjà arrivé que le kankourang blesse quelqu’un. La personne a porté plainte croyant que le kankourang était une personne. Tous les villageois furent réunis pour recueillir leur témoignage ; ils ont dit que c’est le faara (autre appellation du Kankourang) qui a blessé la victime. Le juge a dit de prouver que le faara (les fibres de la plante du même nom) peut blesser à lui seule une personne à coups de machette. Avant qu’il n’ait terminé, le juge fut pris dans un tourbillon. Il essaya de se réfugier dans sa voiture mais il avait déjà subi les coups du kankourang. Depuis lors, il ne fait plus l’objet de poursuites judiciaires dans le village. (Arfang Moussa Sarr)

Légende du Fambondi : Pour faire sortir le kankourang, il fallait faire une offrande qu’il fallait déposer à la croisée de chemins. Ce kankourang est appelé fambondi (celui que personne ne guide). Le fambondi fait tout par lui-même, il n’a pas d’égal. La personne qui a imploré le fambondi est le premier à faire les frais de son apparition ; si la personne est un malfaiteur. Ce fambondi tape tout le monde, même les personnes cachées sous leur lit. Il charrie du monde sur son passage. (Arfang Moussa Sarr)

Anecdote(s), discours, impression(s)sur l'ensemble patrimonial

Anecdote de Mbour : Des échauffourées entre Selbés et populations ont tourné au vinaigre avec une scène de fusillade qui a fait deux blessés à Mbour. En effet, les Selbes (accompagnants du Kankourang) avaient demandé à une jeune fille assise devant chez elle de rentrer à l’intérieur au moment où le kankourang passait. Face au refus de la jeune fille, il s’en suivit une altercation au cours de laquelle un gendarme est intervenu en dégainant son fusil. C’est d’abord un coup en l’air, puis deux autres qui ont atteint deux jeunes Selbés. Une réunion de crise tenue après ces incidents a regroupé les autorités et la collectivité Mandingue. Ce qui a permis de tempérer les ardeurs pour éviter toutes représailles. (Arfang Moussa Sarr)

Anecdote de Insa : « étant moi-même une personne dotée de pouvoirs mystiques pour porter le kankourang, je l’ai une fois défié. Le kankourang m’a, alors, donné un coup de machette au visage, je n’ai eu qu’une dent fêlée. Pour lui montrer l’étendu de mes pouvoirs, je l’ai rendu malade. Il est resté hospitalisé pendant des semaines sans rien diagnostiquer chez lui, alors sa famille est venue s’excuser et intercéder en sa faveur. Je l’ai guéri et depuis, le gars a quitté le village ». (Insa Diamé)

On raconte que le masque porte la poisse à celui qui le porte. Le plus souvent, cela se répercute sur la famille du porteur. Ainsi, la fille du responsable actuel a des problèmes de vue ; les parents d’insa Diamé ont perdu plusieurs de leurs frères et sœurs. (Insa Diamé)

Il a été sorti, lorsque le village a reçu, pour la première fois, la visite de M. Abdou DIOUF, Président de la République d’alors.

En 2002, kafountine est attaqué par les rebelles casamançais. Ils pillent les maisons et les boutiques. Un peu plus loin dans la forêt, c’est la cérémonie d’initiation gardée par une dizaine de kankourangs. Fusils contre coupe-coupe…Les rebelles les déshabillent et leur font porter le butin…Déshonneur sur tout le village. Aujourd’hui encore, lors des veillées à Kafountine, on parle plus de cette humiliation que des dommages pécuniaires de cette attaque.

Utilisation(s) actuelle(s)de l'ensemble patrimonial

Fonction(s) Initiale(s) : Protection des initiés

Fonctions actuelles : Mobilisation des forces, protection et folklore

Statut et signification actuelle de l'ensemble patrimonial

Statut : Patrimoine Culturel Immatériel (PCI) de l’UNESCO (3e proclamation du 26 novembre 2005)


Signification actuelle : Les masques de Kankourang jouent un rôle essentiel dans le rétablissement de l’ordre social dans les villages mandings. Ils veillent à l’harmonie de la communauté et punissent ceux qui apportent le désordre et l’insécurité. Ils assurent la pérennité de l’initiation et garantissent la hiérarchie sociale. Le kankourang a acquis, en outre, une dimension folklorique. Il est qualifié d’expression culturelle originale par l’UNESCO.

Informations complémentaires sur l'ensemble patrimonial

C'est en 1904 que le Kouyan Mansa Baye Mady KOTE (né en 1853 à Mansa Mansidi dans le Kabou, en Guinée - Bissau) a introduit le Kankourang à Mbour.

Sources

Bibliographie

Dans le cas d’une publication : NOM DE L’AUTEUR (Prénom de l’auteur), Titre de la référence, lieu d’édition/de conservation, éditeur/organisme de 
conservation, n° éventuel, année, pages ... à … Dans le cas d’un témoignage oral : NOM et Prénom de l’auteur, lieu, référence éventuelle à un témoignage enregistré

Tradition orale

SARR Arfang Moussa, Responsable du Kankourang, Toubacouta

Diamé Insa, artiste-danseur, Toubakouta

Sources écrites

Lilyan Kesteloot, « Les Mandingues de Casamance : Kankourang, castes et kora », in François-George Barbier-Wiesser (dir.), Comprendre la Casamance : chronique d'une intégration contrastée, Karthala, Paris, 1994, p. 97-117

Geneviève N'Diaye-Corréard, Equipe du projet IFA, Les Mots du patrimoine : le Sénégal, Archives contemporaines, 2006

Michel LERIS, l'Afrique Noire, la création plastique, 1967

http://www.memoireonline.com/12/08/1702/m_le-kankourang-masque-dinitiation-des-mandingues-de-la-Senegambie1.html (consulté le 25/11/2013 à 17h40)

Illustrations

Photographies actuelles

Sous plusieurs angles, si justifié

Documents anciens (photographies, peintures, gravures...)

 Préciser le(s) lieu(x) de conservation, y compris dans le cas de collections personnelles

Dessins/croquis