IVRAF FO 0193 : Le baobab sacré de Ndiaffé
Sommaire
Références du dossier documentaire
Numéro du dossier
IVRAF_FO_0193
Date d'enquête
11/03/2014
Nom et prénom de l'enquêteur
MBENGUE Bodiel
Désignation
Dénomination(s) actuelle(s)
Arbre, sanctuaire
Appellations successives
baak no gawul, guy gewël, baobab-sépulture, baobab-cimetière
Type de patrimoine
Patrimoine matériel
Thématique
Localisation
Département
Foundiougne
Communauté rurale
Diossong
Village
Ndiaffé-Ndiaffé
Adresse
Références cadastrales (le cas échéant)
Section :.......... N° parcelle(s) :..........
Géolocalisation
Historique et description
Acteur(s)
Ancêtres griots sérères de Ndiaffé-Ndiaffé
Date/période de réalisation
Aux alentours du XVIe siècle
Historique
L’adansonia digitata, communément appelé baobab, est bien connu des africains et principalement des sénégalais du fait de ses nombreuses vertus. Il possède une énorme valeur sociale, culturelle et symbolique. C’est un arbre à usage multiple et à la longévité exceptionnelle (jusqu’à 1000 ans). Partout en Afrique, ses différentes parties (racines, écorces, feuilles, pulpe et graines) sont utilisées à des fins thérapeutiques, nutritionnelles, voire commerciales. Cependant, le baobab revêt un statut particulier dans les ethnies Sérères avant la période post indépendance. Dans plusieurs provinces sérères, ces arbres géants abritaient les tombeaux d'une certaine caste, notamment celle des griots. En effet, le griot occupe en pays sérère comme dans une bonne partie de l’Afrique noire, le bas de l’échelle sociale. Nonobstant son statut de dépositaire de la tradition orale, il est considéré comme un parasite dans la mentalité sérère saafi. Ainsi, redoutés et méprisés, ils n’étaient pas enterrés en pleine terre. Parce que, dit-on à Ndiaffé-Ndiaffé, si on enterrait un griot, toute la contrée risquait de mourir de rhume ou encore, les terres seraient souillées et le village mourrait de sécheresse et de famine. Une telle croyance peut s’expliquer par la relation traditionnelle, presque sacrée, et syncrétique que le Sérère r, animiste de tradition, entretient avec l’esprit des ancêtres, ordonnateur de la vie individuelle et collective du lignage et de la famille. Aussi, ce n’est pas n’importe qui, qui fréquentait le baobab : il fallait une certaine force mystique. Cette pratique reflétait, en outre, la notion d'impureté que les nobles attachaient à la personne du griot. Dans certaines contrées du Sine par exemple, interdiction était faite aux griots de franchir le seuil de certaines maisons.
Cette pratique funéraire qui est vieille de plusieurs siècles n’est, dans l’état actuel des connaissances, signalée que dans le centre ouest du Sénégal, chez les Sereer et on en retrouve un premier descriptif en 1594. Les habitants sérères de Ndiaffé appellent leur baobab sacré Baak no gaawul (baobab aux griots). Seuls y étaient enterrés les griots qui avaient leur origine à Ndiaffé, même si la mort survenait à l’étranger. En ces temps, les gens pouvaient marcher des jours et des jours pour venir enterrer leurs morts dans leur village natal. Ce phénomène donna son nom à un autre arbre mbam no xon (l’arbre aux morts) du fait que ces voyageurs, fatigués, se déchargeaient du cercueil et se reposaient à l’ombre de cet arbre.
Le boabab de Ndiaffé n’est pas sacré seulement parce qu’il servait de sanctuaire aux griots. S’y tenaient, également, des cérémonies de libations et de sacrifices (ex : immolation de bœuf noir) en cas de sécheresse ou de calamités notamment à l’occasion d’invasion des champs par les criquets. Il servait en outre de lieu de transmission de messages par tam-tam à l’occasion de mariages, de baptêmes ou d’annonces de décès aux villages environnants. Ce rôle de crieur public était dévolu au saltigué qui n’est pas forcément de la caste des griots. A l’époque où cette pratique s’exerçait encore, c’était le vieux Mamadou Kor, père de l’actuel chef de village qui était le crieur public, rôle qu’il a hérité de son père. Lorsqu’un enterrement devait avoir lieu, il rassemblait les villageois à coups de tam-tam spécifiques, devant le ngel maak, place publique du village et les informait de l’évènement.
Dans les temps, chaque village sérère avait son baobab-cimetière. Cette pratique a été abandonnée sous la houlette du feu président-poète Léopold Sédar Senghor. En effet, au lendemain des indépendances, ce dernier a fait comprendre à la communauté griotte que tous les citoyens sont égaux devant l’impôt et que s’ils s’ont assujettis au même titre que les non griots alors ils devraient pouvoir enterrer leurs morts dans les cimetières comme toutes les autres communautés du Sénégal. Cependant, la conversion à l’islam de beaucoup de païens et l’implication dans cette bataille d’un nombre important de chefs religieux notamment Serigne Ababacar SY ont amplement contribué à l’abandon de cette pratique qui est aux antipodes de tout respect de la dignité humaine. De plus, cette coutume posait de sérieux problèmes sanitaires du fait de la décomposition des corps et de l’odeur pestilente que cela dégageait.
Outre leur caractère discriminatoire, beaucoup de ses baobabs-cimetières étaient ou transformés en lieux touristiques ouverts aux curieux ou souvent pillés et les ossements vendus à des touristes. Ce à quoi se refusent aujourd’hui, les héritiers de tous ces griots qui furent inhumés dans ces baobabs.
Les baobabs-cimetières sont devenus un sujet tabou dans les villages sérères car renvoyant à une forme d’organisation sociale hiérarchisée et dans laquelle certaines castes ont plus de droits et de privilèges que d’autres. Mais, il faudrait toutefois reconnaitre qu’on ne saurait comprendre la culture et l’organisation sociale sérère sans avoir au préalable décrypté certains de ses rites notamment les baobabs-cimetières.
Description
Subie ou acceptée, cette pratique des baobab-sépultures reste une tradition des griots sérères et témoigne du rang social des personnes appartenant à cette caste dans la société sérère ; même si nombre d’entre eux se sont, à un moment donné, insurgé contre. On y enterrait uniquement les griots qui avaient leur origine à Ndiaffé. En réalité, les corps n’étaient pas enterrés : ils étaient simplement glissés dans l’arbre, disposés dans la position verticale. Celui qui déposait le corps devait être de la caste des griots, les non-griots ne pouvaient qu’assister à la scène.
La cérémonie funéraire était tout un cérémonial : beuveries, chants et danses étaient au menu comme il est toujours de coutume d’ailleurs, en pays sérère. En effet, dans la culture sérère, les funérailles, a mboy, sont particulièrement festives car étant la cérémonie la plus importante après les noces. Et les funérailles d’un griot, personnage souvent excentrique, se déroulaient toujours suivant un protocole bien défini, avec tambours et trompettes. En effet, ce n’est pas n’importe qui, qui pouvait procéder au dépôt de la dépouille dans le baobab. Il fallait avoir courage et force mystique. En effet, sur le tronc de l’arbre était planté un coupe-coupe. Celui qui n’avait pas les capacités mystiques nécessaires pour enlever l’arme ne pouvait y entrer. Parfois, c’était à l’issue d’âpres batailles qu’il revenait au vainqueur, en véritable héros, l’honneur de procéder à l’inhumation.
Le baobab se trouve à 800m, l’ouest du village du village de Ndiaffé-Ndiaffé dans la commune de Sokone, gigantesque et majestueux au milieu des champs et d’une petite forêt d’arbustes. Il se distingue facilement au milieu de cette forêt par son tronc énorme qui est unique. Comme tous les baobabs, le tronc est fort et trapu, très souvent creux. Ses branches sont tortueuses et présentent plusieurs ramifications. Son écorce, lisse par endroit et rugueuse par d’autre, est tantôt grisâtre tantôt argentée suivant les reflets du soleil.
Sur l’arbre, à l’instar des autres baobabs-sépulture du Sénégal, il y avait une ouverture, à l’époque protégée par une porte en zinc. C’est par cette cavité que les corps étaient déposés. Actuellement, un trou béant laisse entrevoir un intérieur humide et sombre avec quelques insectes qui y ont élu domicile.
Les dimensions du baobab ne sont pas connues avec certitude mais selon nos estimations, la circonférence du tronc tourne autour de 10m pour une hauteur d’environ 25m. Et pourtant, il est loin d’être le baobab (Adansonia Digitata) le plus géant du Sénégal.
Croquis (le cas échéant)
De l’ensemble patrimonial et/ou de sa position dans son environnement
État sanitaire
Très bon, bon, passable, mauvais.
Valeur patrimoniale :
Lieux associés (autour de la même thématique)
Bandia, Sindian, Nianing, Diorom Boumak (Toubacouta), Sanghaï (Niakhar), Kahone : entre autres localités ayant un baobab funéraire.
Burkina Faso : autre pays où l’on nota la pratique des baobabs-sépultures.
France, USA, Allemagne, Belgique etc. : lieux d’origine des touristes venant visiter ces arbres
Culture(s) orale(s) en lien avec l'ensemble patrimonial
Légende(s) et/ou mythe(s) associé(s)
Anecdote(s), discours, impression(s)sur l'ensemble patrimonial
Utilisation(s) actuelle(s)de l'ensemble patrimonial
Utilisation de l’espace, gestes associés
Statut et signification actuelle de l'ensemble patrimonial
Propriété publique, propriété privée, classé monument historique, à classer, représentation (lieu de mémoire ou non)
Informations complémentaires sur l'ensemble patrimonial
Sources
Bibliographie
Dans le cas d’une publication : NOM DE L’AUTEUR (Prénom de l’auteur), Titre de la référence, lieu d’édition/de conservation, éditeur/organisme de conservation, n° éventuel, année, pages ... à … Dans le cas d’un témoignage oral : NOM et Prénom de l’auteur, lieu, référence éventuelle à un témoignage enregistré
Tradition orale
Indiquer le vecteur de transmission (griot, historien…)
Sources écrites
Archives, édition de textes
Illustrations
Photographies actuelles
Sous plusieurs angles, si justifié
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Documents anciens (photographies, peintures, gravures...)
Préciser le(s) lieu(x) de conservation, y compris dans le cas de collections personnelles